Les approches pédagogiques actives (numériques) en conseillance pédagogique

 @juliebeaupre 24 nov.
Classe de 1233. Un rare exemplaire d'un livre est lu aux étudiants universitaires. Certains prennent des notes, discutent, dorment. Des ressemblances avec les méthodes d'aujourd'hui?

Dans son texte Methods of teaching: campus-focused, Bates (2015) aborde l'historique de diverses méthodes pédagogiques, les conditions gagnantes qui y sont relatives et leur bonification à l'aide du numérique. Je ferai référence à trois d’entre elles pour réfléchir à la manière dont les conseillers pédagogiques disciplinaires pourraient s’en inspirer pour enrichir leurs pratiques.  


Learning by listening
La section portant sur l’apprentissage par l’écoute m’a beaucoup interpelée. Beaucoup plus étoffée que les autres, elle remet en question des pratiques qui sont ancrées depuis 800 ans. En contexte de formation, l’exposé est une méthode de choix auprès de mes collègues. Lorsqu’une dimension numérique est intégrée, il s’agit souvent d’un diaporama projeté qui sert de support à la présentation, lequel est souvent remis en version imprimée pour la prise de notes. À l’exception des formations technologiques, les participants n’apportent habituellement pas leur ordinateur ou leur tablette, ce qui freine l'exploration des opportunités offertes par la technologie pour la collaboration, le partage et la consignation d’idées et de ressources, les recherches complémentaires et la rétroaction. Résultats des courses, les enseignants qui assistent aux formations confient régulièrement qu’ils trouvent fort exigeant de rester assis toute la journée pour assimiler des contenus. Certains vont même jusqu'à se demander comment leurs élèves réussissent à le faire jour après jour.

Néanmoins, de nouvelles façons de faire commencent à apparaître et j’ai eu l’occasion de les observer à deux reprises récemment. Tout d'abord, certains de mes collègues ont choisi la vidéo pour rejoindre les enseignants d’un domaine particulier. À mon avis, bien qu’il s’agisse d’un diaporama commenté ne permettant pas les interactions qu’une webdiffusion pourrait offrir, il s’agit d’un premier pas vers un changement de pratique. En effet, la vidéo étant accessible à l’aide d’une chaine protégée, elle peut être visionnée en tout temps, par un grand nombre d’enseignants sans avoir à rassembler plusieurs d’entre eux en un local et à moment précis. Transmissif, certes, mais différent. 

Aussi, des collègues et moi devions monter une toute nouvelle formation destinée aux nouveaux enseignants qui font leur entrée dans notre commission scolaire. Les intentions ayant été ciblées et les besoins analysés, nous avons convenu de concevoir un blogue évolutif qui servira de référence. Nous aurions pu opter pour un environnement numérique d’apprentissage (ENA), mais nous croyons qu’une vitrine publique sera plus facile d’accès pour les participants, d’autant plus que les ENA ne sont pas connus auprès de la moitié de la clientèle visée par la formation. Bien qu’il ne soit pas toujours clair pour mes collègues que le blogue permettra d’organiser le contenu à notre manière (et non linéaire!), de diffuser par là les documents qui pourraient être nécessaires et d’autres ressources numériques variées, nous avons persévéré dans cette voie. Cependant, j’ai été surprise de constater qu’elles ont eu besoin d’un diaporama pour la première animation… comme quoi les habitudes sont confortables et permettent de se sentir en contrôle!

Lentement, mais sûrement, je me plais à croire que ces deux nouveautés feront leur chemin. 
Les 3 autres sections de Bates étaient moins développées… et je réalise qu’il est effectivement plus difficile de les relier à mon contexte. J’aborderai deux d’entre elles. 

Learning by talking
L’auteur inclut le séminaire et ce que je traduis comme étant du tutorat dans le learning by talking. Je n’observe aucune de ces deux pratiques auprès de mes collègues, du moins en contexte de formation, et encore moins des variantes intégrant le numérique. Est-ce parce qu’elles s’appliquent moins à notre domaine? Pourtant, elles permettraient des apprentissages significatifs, la pensée critique et la résolution de problèmes. Certes, j’ose espérer que la plupart des formations sont interrompues par des moments de discussions et d’échanges pour ancrer les apprentissages. À bien y penser, un tel espace dialogique est beaucoup plus présent lorsque la formule d’accompagnement est privilégiée à celle de la formation.

Learning by feeling
Après cette lecture et ma prise de notes, je ne saurais exemplifier correctement le learning by feeling dans le domaine de la conseillance pédagogique. Toutefois, l’auteur relie cette approche avec le connectivisme lorsque l’environnement permet aux apprenants de se réseauter selon leurs intérêts pour parfaire leurs apprentissages. Or un bel incident de parcours a eu lieu récemment avec les enseignants du groupe AVAN. En effet, une nouvelle fonctionnalité dans notre environnement technologique facilite grandement cet aspect : il s’agit de créer un espace pour les membres d’un groupe travaillant sur un même projet. Cet espace rassemble en un même endroit, tout de même convivial, un fil de discussion et un lieu de dépôt de documents collaboratifs. Ces fonctionnalités permettent de poser librement ses questions, d’obtenir une réponse par le conseiller ou les collègues, de retrouver aisément les documents partagés et d’y prendre part. Plutôt que de voir repartir les enseignants chacun de leur côté et rester en plan avec leurs questionnements, cet espace, pourtant encore nouveau, encourage les échanges, le soutien entre pairs et le partage de ressources.

Mot de la fin
Bien que les conseillers pédagogiques en intégration des technologies soient à l'affût des innovations permettant de favoriser les apprentissages en contexte de formation, nous en sommes encore aux balbutiements des approches actives du numérique dans le domaine de la conseillance pédagogique disciplinaire. Les initiatives existent. Il faut les faire connaitre et les encourager.

***
Bates, T. (2015). Teaching in a Digital Age. B. O. Textbooks (Éd.)   Repéré à  https://opentextbc.ca/teachinginadigitalage/

 Stockless, A. (2016). Soutenir le processus d’apprentissage-enseignement des sciences avec un environnement numérique d’apprentissage. UQAM. Montréal.



Commentaires

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  2. Il est bien intéressant de voir l’application concrètes des méthode pédagogiques proposées par Bates (2015) dans ton contexte de conseillance pédagogique. La lecture de ton billet, permet de mettre en évidence des éléments forts pertinents, lesquels on devrait pouvoir tenir compte pour palier d’éventuelles contraintes susceptibles de mettre en péril l’activité de formation désirée. Ta réflexion me fait réaliser la portée des limites, bien qu’évidentes après coup, qui doivent être identifiées par une « analyse du contexte et [des] caractéristiques du public cible » (Stockless, s.d.).
    La première limite que je retiens est directement liée à l’apprenant et à son implication/participation. En effet, si l’on désire utiliser les TIC dans une visée pédagogique, mais que les apprenants n’ont pas en leur possession le matériel requis (que ce soit pour des raisons de coût, d’oubli ou qu’ils en fassent un usage inapproprié (Langan et al., 2016)), la réussite de l’activité est alors mise en jeu. Ce frein vient, comme tu le mentionnes « [freiner] l'exploration des opportunités offertes par la technologie». Doit-on à cet effet prévoir ces situations et mettre à la disposition des étudiants du matériel technologique pour ceux qui n’y ont pas accès? En ce qui concerne l’usage inapproprié, Moreau et Bigras-Dunberry (2017) proposent une réflexion et des pistes de solution pour un encadrement des technologies mobiles en classe pour un engagement actif des étudiants. Les attentes envers l’usage des TIC peuvent ainsi être précisées au tout début du cours ou de la formation et orienter vers une utilisation pédagogique dans le respect des formateurs et des étudiants (Langan, Schott, Wykes, Szeto, Kolpin, Lopez et Smith, 2016).

    Le second élément qui me fait davantage réagir questionne la posture du formateur et le rythme avec lequel sont introduites les TIC en contexte pédagogique. Je retiens dans tes exemples que l’utilisation d’une innovation technologique se réalise de manière progressive, par petits pas. Plus encore, tu mentionnes dans ton expérience que l’introduction aux TIC se fait tout en conservant certaines références aux usages antérieurs. C’est ici que se joue une prise de conscience. La littérature mentionne qu’un frein à l’usage optimal des TIC réside dans son usage répliqué aux technologies antérieures (Armstrong et al., 2005; Smith, Brand et Kinash, 2013)… Il y aurait donc un équilibre à aller chercher entre la nouveauté et les pratiques acquises? Bref, tes propos me font réfléchir? J’ose espérer que ces considérations, deviendront peut-être plus faciles à respecter au fil des expériences de conception et de mise en pratique d’activités pédagogiques avec les TIC!?

    Références bibliographiques
    Armstrong, V., Barnes, S., Sutherland, R., Curran, S., Mills, S., & Thompson, I. (2005). Collaborative research methodology for investigating teaching and learning: the use of interactive whiteboard technology. Educational Review, 57(4).
    Bates, T. (2015). Teaching in a Digital Age. B. O. Textbooks (Éd.) Repéré à https://opentextbc.ca/teachinginadigitalage/
    Langan, D., Schott, N., Wykes, T., Szeto, J., Kolpin, S., Lopez, C., & Smith, N. (2016). Students' Use of Personal Technologies in the University Classroom: Analysing the Perceptions of the Digital Generation. Technology, Pedagogy and Education, 25(1), 101-117.
    Moreau, C., & Bigras-Dunberry, C. (2017). De l’encadrement des technologies mobiles en classe pour un engagement actif des étudiants. Le Tableau, 6(4). Disponible à http://pedagogie.uquebec.ca/portail/le-tableau/vol6-no-4-de-lencadrement-des-technologies-mobiles-en-classe-pour-un-engagement-actif-des
    Smith, D., Brand, J., & Kinash, S. (2013). Turn on the book: Using affordance theory to understand the adoption of digital textbooks by university lecturers. Communication présentée à la Electric Dreams, 30th ascilite Conference, Sydney, Australia. http://epublications.bond.edu.au/tls/74
    Stockless, A. (s.d.). Design pédagogique. Notes de cours DDD9651 Formation à l’enseignement universitaire. UQAM.

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    1. Merci pour ton commentaire, Marie-Hélène :-)

      Pour la première limite que tu soulèves, c'est-à-dire l'accès au matériel technologique, dans notre commission scolaire, chaque enseignant dispose d'un portable et plusieurs disposent d'une tablette. Lorsque ces outils sont nécessaires en contexte de formation, on leur mentionne de les apporter. Quant aux élèves, à l'école, différents outils sont à leur disposition: laboratoire d'ordinateurs, flotte de tablettes, flotte de portables. Les plus chanceux ont accès à quelques appareils en tout temps en classe, ils fonctionnent alors par ateliers. Et les plus innovateurs permettent aux élèves d'apporter leur appareil en classe :-)

      En ce qui concerne l'usage inapproprié, je crois que cela m'est arrivé une seule fois en contexte de formation avec des enseignants. Quant aux élèves, les enseignants qui ont une classe BYOD sont de plus en plus habiles à amener les élèves à se responsabiliser et à en faire un usage pertinent... même si les appareils ne sont habituellement pas permis dans le cas où un suppléant se trouve en classe. Certes, ce n'est pas parfait, mais je crois qu'aucun d'entre eux ne reviendrait en classe sans appareil technologique. Cela dit, je conserve ta référence. J'en avais d'autres sur le sujet de même que des modèles de chartes. Cet autre beau sujet mériterait d'être creusé!

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