L’évaluation des apprentissages dans une classe numérique


Source: Marie-Hélène Jobin (@MmeJob), L'évaluation au service de l'apprentissage: un changement de perspective

Je vais profiter de la rédaction de ce billet pour me concentrer sur ma problématique. Je réfléchirai ici sur les pratiques évaluatives dans les classes AVAN (Apportez votre Appareil Technologique) au primaire. 


AVAN (ou BYOD) réfère à un modèle où les étudiants apportent leur appareil technologique à l’école à des fins d’apprentissage (Alberta Education , 2012). L’école peut tirer profit de l’accès désormais illimité aux contenus numériques, ressources, experts, bases de données et communautés d’intérêts, pour enrichir l’expérience d'apprentissage des élèves, développer leurs compétences en littératie et citoyenneté numériques et les préparer au monde de haute technologie dans lequel ils évolueront (Alberta Education , 2012).Les projets AVAN modifient la tâche de l’enseignant, lui demandant de redéfinir son rôle et de réfléchir sur la façon d’appréhender cette nouveauté (Fiévez, 2015). Ainsi, la flexibilité de ce dernier est primordiale et sa gestion de classe plus complexe (Fiévez, 2015).


Avant de faire une lecture attentive de Nizet et al. (2016), je m’étais bien sûr questionnée sur le changement de pratique des enseignants lorsqu’ils faisaient le choix d’animer une classe AVAN. Cependant, je n’avais pas (encore) pensé placer un accent sur les pratiques évaluatives de ceux-ci. Ainsi, au fil des paragraphes du Bilan de pratiques évaluatives des apprentissages à distance en contexte de formation universitaire, j’ai surligné plusieurs grandes idées. Conséquemment, une série de (nouvelles) questions me sont venues!).

Qu’en est-il de l’évaluation des apprentissages dans un contexte de classe AVAN? Les enseignants voient-ils leurs pratiques évaluatives se modifier avec l’utilisation quotidienne d’un appareil? Les appareils technologiques sont-ils utilisés pour les évaluations formatives et sommatives? Utilisent-ils des exerciseurs pour valider la compréhension? Tirent-ils avantage de ces rétroactions immédiates et personnalisées pour travailler avec les élèves qui ont davantage de besoins? Les fonctions d’aides technologiques intégrées aux appareils sont-elles utilisées? La technologie est-elle utilisée pour formuler des rétroactions? Comment? Le portfolio numérique est-il un outil qui leur offre des possibilités? Qu’en est-il du blogue pédagogique? Des environnements numériques d’apprentissage? Ces outils sont-ils utilisés en présentiel (en classe) ou à distance (en devoir à la maison)?

La plus importante question se révèlera probablement la suivante : puisque les appareils technologiques ne sont pas autorisés au moment des évaluations ministérielles (MELS, 2015, p.86) à moins que des fonctions d’aide soient nommément inscrites à un plan d’intervention d’un élève en difficulté et que ce dernier y ait été entrainé, comment les élèves des classes AVAN pourront-ils réaliser leurs examens sans avoir accès aux outils qu’ils ont utilisés toute l’année en contexte d’apprentissage? C’est un aspect important sur lequel j’aimerais me pencher avec les enseignants que j’accompagne dans les prochaines semaines. 

 

En rédigeant ces lignes, je me suis remémoré un tweet que j’avais lu il y a quelques mois.

"Est-ce vraiment grave si l'élève comprend une notion le 14 mai au lieu du 14 avril, jour de l'évaluation?" demande @MmeJob #aquops

J’ai pris le temps de parcourir les grandes lignes de la présentation à laquelle ma collègue faisait référence. Et si tous les élèves n’étaient pas obligés d’être rendus au même endroit au même moment ? Et si le modèle « une fois la notion vue, on passe à la suivante » était révolu ? Et si une date butoir n’était plus nécessaire pour évaluer ce qu’on comprend de la « matière » prévue au programme ? Et si le fait de choisir le moment où on est prêt à être évalué contribuait à réduire le stress relié aux évaluations ?

À bien y penser, j’aimerais débattre avec les enseignants de mon groupe l’idée de transformer petit à petit la philosophie de l’évaluation.

***
Références
Alberta Education. (2012). Bring Your Own Device: A guide for schools. Edmonton, AB : Minister of Education. Récupéré de https://open.alberta.ca/dataset/5821955f-5809-4768-9fc8-3b81b78257f7/resource/631bf34c-d3e6-4648-ab77-2b36727dca0b/download/5783885-2012-07-Bring-your-own-device-a-guide-for-schools.pdf

Fiévez, A. (2015). Le BYOD : entre perspectives et réalités pédagogiques. Récupéré de https://ecolebranchee.com/2015/02/27/dossier-le-byod-entre-perspectives-et-realites-pedagogiques/
Jobin, M. H. (2017). L’évaluation au service de l’apprentissage : un changement de perspective. Récupéré de https://padletuploads.blob.core.windows.net/prod/192128829/3d3d11a0d678d048133a46ffb18375d2/IGNITE_Classe_inverse_e_e_valuation_AQUOPS.pdf

MEESR (2015). Guide de gestion. Édition 2015. Sanction des études et épreuves ministérielles. Récupéré de http://www.education.gouv.qc.ca/fileadmin/site_web/documents/dpse/sanction/Guide-sanction-2015_fr.pdf

Nizet, I., Leroux J. L., Deaudelin, C., Béland, S. et Goulet, J., Bilan de pratiques évaluatives des apprentissages à distance en contexte de formation universitaire, Revue internationale de pédagogie de l’enseignement supérieur Récupéré de http://ripes.revues.org/1073

Commentaires

  1. Avec le modèle ADDIE (Branch, 2009) comme cadre de référence, nous avons pu constater que l’utilisation du numérique dans une visée d’enseignement et d’apprentissage soulevait de nouvelles questions et préoccupations comparativement à la scénarisation pédagogique traditionnelle. Entre autres, dans les diverses lectures proposées dans le cadre de cette dernière activité (Bates, 2015; Nizet, Leroux, Deaudelin, Béland et Goulet, 2016), l’évaluation y est présentée comme un enjeu important à considérer au regard des possibilités et des contraintes du numérique.

    Dans un contexte où l’activité d’apprentissage est conçue de manière à exploiter les fonctionnalités du numérique, le questionnement que tu soulèves en lien avec l’impossibilité pour les élèves d’apporter leur « partenaire d’étude » lors de moments aussi cruciaux que l’évaluation ministérielle, semble contradictoire à ma compréhension d’une activité d’apprentissage réussie. Est-ce parce que nous sommes encore dans une période de transition que de telles contradictions s’imposent ? Cela soulève des préoccupations qui vont au-delà de l’utilisation du numérique, et qui portent à réfléchir sur les conditions favorables à la réussite. Ce qui nous ramène à une interrogation fondamentale soulevée en début de cours : et si, au 21e siècle, c’était tout le système éducatif que devait être remis en question (RSA Animation, 2010)?

    Pour revenir sur le sujet, il me semble incohérent, à moins que ce ne soit pour un transfert de connaissances acquises dans un autre contexte, de retirer les outils utilisés tout au long des apprentissages au moment d’évaluer ces derniers (ça me rappelle la mauvaise idée que j’ai eu à l’époque de faire mon examen de conduite avec une voiture automatique alors que j’avais appris sur une voiture manuelle…). Il y a certainement des préoccupations valables pour interdire l’accès aux technologies numériques lors des évaluations, notamment celle de l’accès à Internet. Toutefois pour adapter l’évaluation à son contexte d’apprentissage (réalisé avec le numérique), sans doute faut-il revoir l’évaluation en termes de développement des compétences plus qu’en termes d’acquisition de connaissances (Bates, 2015). Dans cette avenue, les badges numériques semblent être une avenue intéressante pour en inspirer une transposition dans un contexte disciplinaire. Le projet BadgeCollegial.com qui vise, entre autres, à « reconnaître et certifier l'acquisition de compétences, d'apprentissages formels et informels et d'habiletés dans plusieurs contextes », et les modules d’autoformation Enseigner à l’université semblent être des exemples d’évaluation cohérente avec l’utilisation du numérique en contexte d’apprentissage.

    Enfin, tu mentionnais dans ton premier billet le « besoin de nouveaux modèles et du temps de réflexion pédagogique pour créer le contexte d’apprentissage différent de celui dans lequel [les enseignants] ont évolué, mais dont les élèves ont besoin aujourd’hui » (Beaupré, 2017).
    Sans que nous ayons réponse à toutes nos questions, j’ai l’impression que nous avons eu une belle opportunité d’y réfléchir tous ensemble à travers ce cours! Merci à tous!

    À bientôt!

    Références bibliographiques
    Beaupré, J. (2017). Quelle vision de l'école du 21e siècle? . Repéré à https://ddd9651a17jb.blogspot.ca/2017/09/quelle-vision-de-lecole-du-21e-siecle.html#more

    Branch, R. M. (2009). Instructional design: The ADDIE approach: Springer Science & Business Media.

    Nizet, I., Leroux, J. L., Deaudelin, C., Béland, S., & Goulet, J. (2016). Bilan de pratiques évaluatives des apprentissages à distance en contexte de formation universitaire. Revue internationale de pédagogie de l’enseignement supérieur, 32(2).

    RSA Animation (Producteur). (2010). Sir Ken Robinson. Changing Paradigms. . Repéré à https://www.youtube.com/watch?v=zDZFcDGpL4U


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    1. un petit oubli dans les références bibliographiques:
      Bates, T. (2015). Teaching in a Digital Age. B. O. Textbooks (Éd.) Repéré à https://opentextbc.ca/teachinginadigitalage/

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  2. De la part de ddd9651a17pg :

    Bonjour Julie,

    Votre mot de la fin suggère une réflexion sur le concept d'évaluation, et sur l'enseignant ou l'enseignante dont c'est le rôle d'agir en tant qu'évaluateur. Idéalement, l'évaluateur sait faire preuve d'honnêteté intellectuelle, et il est doté d'une maturité émotionnelle qui le place à l'abri des jugements arbitraires. Perrenoud (2001) compare l'évaluation certificative à un jugement, et il fait l'analogie avec la justice humaine en soulignant qu'il n'y a «rien d'automatique dans cela, rien qu'on puisse confier à un ordinateur». Il précise cependant que pour empêcher les excès, la justice met en place «des débats contradictoires avant le jugement, puis des voies et des instances de recours une fois un premier jugement rendu». En matière de justice, les tribunaux supérieurs, les cours d'appel et la Cour suprême du Canada, souvent, infirment le premier jugement. Et à l'instar des instances supérieures, en portant un second regard sur la production de l'apprenant, il faut à mon sens analyser l'enseignement prodigué, le libellé des grilles d'évaluation, et les directives données, tant formelles qu'informelles, quant à l'accomplissement des devoirs, pour déceler s'il n'y a pas eu imprécision ou matière à équivoque (Bélair, 2014). C'est un premier cas où la note peut être révisée à mon sens. Dans l'exemple que vous soulevez plus spécialement, le cas de l'apprenant pour qui la compréhension vient plus tard, après une ou plusieurs démonstrations, ou après la date butoir, ou encore après une première évaluation. Dans ce tout dernier cas, l'ENA Moodle a une fonctionnalité utile, qui permet à l'enseignant d'autoriser l'apprenant à déposer à nouveau un devoir après une première évaluation, en vue de «re-noter» le travail. Il faut certainement, comme enseignant, saluer l'effort de l'apprenant - il y a toujours un aspect formatif à mon sens dans une évaluation (même sommative) -, mais il faut se garder de trop facilement couronner le succès d'un apprenant qui a eu beaucoup d'aide (Stockless, 2016).

    Sources :

    Accueil documentation Moodle. (2016). Récupéré de https://wiki.uqam.ca/display/MOOD, consulté le 3 décembre 2017.

    Bélair, L. (2014). «Section 5 : Évaluer, chapitre 14» dans L. Ménard et L. St-Pierre, Se former en pédagogie de l’enseignement supérieur. Montréal : Collection PERFORMA AQPC.

    Perrenoud, P. (2001). Évaluation formative et évaluation certificative : postures contradictoires ou complémentaires? Dans Formation professionnelle Suisse, n° 4, pp. 25-28.
    Récupéré de http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/php_main/php_2001/2001_13.html, consulté le 5 décembre 2017.

    Stockless, A. (2016). Introduction à l'évaluation des apprentissages. UQAM. Vidéo récupérée de https://www.moodle2.uqam.ca/coursv3/mod/uqamvideo/view.php?id=892129, consultée le 11 décembre 2017.

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