La distance transactionnelle dans un cours universitaire en ligne

Le thème de ce billet se rapproche davantage de la charge d'encadrement dont j'ai la responsabilité. En effet, j'accompagne des étudiants de 2e cycle dans leur parcours universitaire à distance. Dans le cours Intégration des TIC en situation éducative, " les comportements d'enseignement sont différés des comportements d'apprentissage " (Moore & Marty, 2013, p 2). Tous les moyens de communication doivent donc être mis à profit pour " créer de la présence à distance " (Jézégou, 2010, p.2). Qu'en est-il exactement?


Moore (2011) identifie trois dimensions pour réduire la distance transactionnelle : la structure, le dialogue et l'autonomie. Concernant la première, Moore précise que la structure peut se situer d'un continuum allant de souple à rigide. Il ajoute aussi qu'elle " traduit la rigidité ou la flexibilité des objectifs éducatifs du cours, les stratégies d'enseignement et les méthodes d'évaluation, elle décrit aussi le degré auquel ce cours peut s'adapter aux besoins et préférences individuelles de chaque apprenant " (Moore & Marty 203, p. 4). Le cours dont j'ai la charge propose 4 travaux répartis sur 15 semaines. Le premier travail prend pratiquement les étudiants par la main alors que le dernier leur laisse une bonne marge de manœuvre. Dans tous les travaux, les étudiants sont invités à adapter les travaux à leur contexte professionnel, un peu comme c'est le cas dans le cours. Jézégou propose de remplacer structure par " ouverture " (Jézégou & Eneau, n.d.). D'après toutes ces considérations, j'estime que le cours est moyennement ouvert.

Concernant la seconde dimension, Moore explique que le dialogue commence " dans un environnement déterminé par la structure du cours, quand des enseignants échangent […] avec des apprenants, avec le but que ces derniers créent du savoir " (Moore & Marty 203, p. 4). Le dialogue peut être quasi continu ou encore pratiquement absent. Pour ce cours, la plupart des échanges se passent pas courriel, de manière asynchrone. Je réponds bien sûr aussi rapidement que possible, je détaille au maximum les rétroactions des travaux et j'invite les étudiants à me joindre au besoin en leur répétant régulièrement que je demeure disponible. Je leur offre aussi de leur faire parvenir, pendant qu'ils rédigent, les rétroactions fréquemment formulées aux autres étudiants que j'ai cumulées avec le temps. La plupart acceptent. Cependant, les échanges synchrones par téléphone sont rares et, en personne, ne se produisent jamais. Aussi, puisque le forum de discussion du cours est très peu fréquenté, les échanges entre étudiants sont nuls, réduisant ainsi à néant les chances qu'une communauté d'apprentissage en ligne puisse naitre (Garrison, 2011). J'estime donc que les échanges sont plutôt limités.

D'après ce modèle théorique, des échanges limités et une structure moyennement flexible révèlent une distance transactionnelle assez grande pour ce cours d'intégration des TIC. Cela exige donc, de la part de ces étudiants de 2e cycle, une bonne autonomie (Moore) de même que de l'autodirection, incluant ses deux dynamiques que sont la motivation et l'autorégulation (Jézégou, 2010). D'ailleurs, j'observais en octobre dernier que le nombre d'étudiants qui terminent le cours est égal à ceux qui abandonnent et aussi que 40% des étudiants qui complètent le cours le font en deux sessions. Est-ce que la distance transactionnelle explique ce taux d'abandon qui me questionne?

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Références
Garrison, D. R. (2011). E-learning in the 21st century: A framework for research and practice (2 éd.). New York: Taylor & Francis.
Jézégou, A. (2010) Community of Inquiry en E-learning : à propos du modèle de Garrison et d'Anderson. Journal of Distance Education / Revue de l'Éducation à Distance, Canadian Network for Innovation in Education, 2010, 24 (2), pp.3-9.

Jézégou, A. & Eneau, J. [EsÉnesrTV]. (n.d.). La distance transactionnelle: les deux variables de l' " ouverture " et du " dialogue " vue sous l'angle de sa dimension sociale [vidéo]. Récupéré de http://www.esen.education.fr/fileadmin/user_upload/Modules/Ressources/Conferences/html/13-14/eneau_j_jezegou_a/co/eneau_j_jezegou_a_distance_transactionnelle.html

Moore, M. G. (2013). The Theory of Transactional Distance. Dans M. G. Moore (dir.), Handbook of Distance Education (p. 66-85). New York: Routledge.

Moore. M. G., Marty, O (2013). La théorie de la distance transactionnelle. Trad. de M. G. Moore, The Theory of Transactional Distance. Handbook of Distance Education, 2007. 2015.

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Commentaires

  1. La situation que tu décris m’interpelles aussi et représente un cas intéressant pour discuter des différents concepts abordés dans le cours. Comme tu le mentionnes “ Tous les moyens de communication doivent donc être mis à profit pour " créer de la présence à distance " (Jézégou, 2010, p.2)”. Tu fais ensuite la démonstration que dans ta situation de cours au 2e cycle, divers moyens visant à favoriser la communication sont mis en œuvre, sans toutefois que cela ne semble avoir l’effet escompté sur les étudiants (lorsqu’on l’on considère, entre autres, le fait qu’autant d’étudiants réussissent ou décrochent et qu’une grande proportion de ceux-ci prenne le double du temps pour compléter leur cours).
    La lecture de Bernard el al. (2009) apporterait peut-être quelques pistes à explorer pour favoriser davantage les interactions au sein du cours et ainsi contribuer à réduire la distance transactionnelle telle que décrite par Moore (2011) et que tu observes dans ton contexte particulier au regard de la structure proposée et des modalités de dialogue mises en place. En effet, selon la méta-analyse réalisée par cette équipe de chercheurs, les interactions se déclineraient selon trois types 1) entre étudiants eux-mêmes; 2) entre l’étudiant et le contenu et; 3) entre l’étudiant et l’enseignant. Chacun des types n’influencerait pas de la même façon l’étudiant et ce, notamment sur les plans motivationnel, émotionnel et cognitif de l’étudiant. Ces auteurs font également la distinction entre des interactions symétriques (équilibre entre les deux parties prenantes, lors d’une discussion par exemple, qu’elle soit synchrone ou asynchrone) ou asymétriques (interaction à sens unique, avec le contenu, par exemple). Aussi, ils proposent que l’interaction entre l’étudiant et l’enseignant soit celle qui apporte le moins de résultats significatifs sur la réussite de l’étudiant (Bernard et al., 2009).
    Comme je semble comprendre (à la lumière de ce que ton billet nous dévoile), les interactions effectives dans le cadre de ton cours relèvent davantage d’interactions entre l’étudiant et l’enseignant (courriel, et plus rarement le téléphone) et on devine qu’elles sont peut-être plus asymétriques que symétriques. Afin d’investiguer davantage la situation que tu nous exposes et de voir aux effets possibles des interactions, il y serait peut-être intéressant de miser davantage sur des moyens permettant les deux premiers types d’interactions (le forum y est déjà) et de promouvoir davantage de symétrie dans les interactions. On peut penser que cette façon de faire favoriserait l’engagement de la part des étudiants, de manière à contribuer au développement d’une communauté d’apprentissage en ligne telle que pensée par Garrison et d'Anderson (Jézégou, 2010) et ainsi, à réduire davantage la distance transactionnelle. Qu’en penses-tu?

    Références bibliographiques

    Bernard, R. M., Abrami, P. C., Borokhovski, E., Wade, C. A., Tamim, R. M., Surkes, M. A. et Bethel, E. C. (2009). A meta-analysis of three types of interaction treatments in distance education. Review of educational research, 79(3), 1243-1289

    Jézégou, A. (2010). Community of Inquiry en e-learning: à propos du modèle de Garrison
    et d'Anderson. Journal of Distance Education (Online), 24(2), 1-18.

    Moore, M. G. (2013). The Theory of Transactional Distance. Dans M. G. Moore (dir.),
    Handbook of Distance Education (p. 66-85). New York: Routledge.

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    1. Bonjour Julie,

      Tu abordes dans ton billet de blogue un élément très important, mais souvent négligé en formation à distance : la relation enseignant-apprenant (Garrison, 2017).

      Comme tu le mentionnes, selon Moore (1993), il existe trois dimensions dans la formation à distance : la structure, le dialogue et l’autonomie. Il explique que l’acte d’enseigner s’exécute à part de l’acte d’apprendre. Par ailleurs, il dit également que l’interaction entre l’enseignant et l’apprenant survient après le design.

      Or, si le but du dialogue entre l’apprenant est l’enseignant est de fournir des rétroactions liées de la rétroaction suite à une évaluation, cela ne demande pas nécessairement une planification en amont. L’important, c’est qu’il doit apporter de l’aide, être constructif et offrir des échanges positifs (Moore, 1993). Dans la description que tu donnes de ton encadrement, on voit très bien que tu respectes ces grands principes. Ta rétroaction auprès des apprenants doit être très appréciée.

      Si par contre le but avait été de créer des échanges, une communauté de pratique ou encore aller chercher les apprentissages profonds (Garrison, 2017), il s’avère alors important de planifier des activités collaboratives dès le processus de design. De cette façon, cela créerait davantage d’interactions dans le forum, entre autres. Peut-être est-ce là une suggestion à apporter au concepteur du cours, d’autant qu’il s’agit d’un cours de 2e cycle et que cela permettrait d’exploiter tout le potentiel du e-learning ?

      Catherine Viens



      Références
      Garrison, D. R. (2017). E-learning in the 21st century: A framework for research and practice. (3e éd.). New York: Taylor & Francis.

      Moore, M. G. (1993). The Theory of Transactional Distance. Theoretical principles of distance education. 1:22-38.

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